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Bilan de notre première tentative de Cobudget

Publié le : 23 Nov, 2020
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En 2019 ANIS-Catalyst a réalisé un premier test sur Cobudget, un outil qui permet de décider collectivement de l’attribution des fonds financiers dans un groupe.

Cette expérimentation Cobudget devait nous permettre de déterminer les projets de l’année ainsi que les fonds dédiés à chacun d’entre eux. Ayant déjà eu l’occasion d’apprivoiser l’outil sur un budget réduit quelques mois plus tôt, nous partions confiants sur cette nouvelle aventure, mais cela s’est avéré plus compliqué que prévu ! Ce premier volet aura eu le mérite de soulever tout un tas de questions intéressantes et de nous préparer pour la suite. Vous trouverez ci-dessous un bilan de notre première expérimentation.

Concrètement, comment fonctionne Cobudget ?

Cobudget est un outil en ligne qui permet à des collectifs de flécher des budgets de manière transparente et démocratique. Les participant.e.s peuvent proposer des projets et décider lesquels seront financés, devenant ainsi partie prenante de la répartition des fonds de la structure dans laquelle ils opèrent.

Un Cobudget s’effectue en plusieurs étapes :

  • Création d’un espace dédié sur la plateforme et envoi d’une invitation aux membres du collectif.
  • Dépôt des projets par les participant.e.s avec pour chacun d’entre eux, description et budget prévisionnel détaillé.
  • Échanges éventuels autour des projets.
  • Chaque projet devient un “Bucket”, soit un pot à financer.
  • Chaque participant.e reçoit une enveloppe financière à répartir entre les différents Buckets générés.
  • Clotûre du Cobudget (soit fixé à une date en amont, soit lorsque tous les fonds distribués aux participant.e.s ont été épuisés).

Voir la vidéo d’introduction à Cobudget de Francesca Pick pour plus d’infos.

Bilan du premier Cobudget ANIS-Catalyst

Avant d’expérimenter Cobudget sur un budget conséquent, l’équipe de contributeurs avaient déjà eu l’occasion de tester l’outil sur un budget réduit. En effet, en octobre 2018, le Collectif Catalyst disposait d’un solde budgétaire et les membres du collectif se questionnaient sur la façon de le répartir. Nous avions déjà entendu parler de Cobudget et en avions eu de très bons retours, aussi avons-nous choisi cet outil afin de déterminer quels projets allaient bénéficier des fonds à notre disposition. Cette expérimentation a été réalisée sur une somme de quelques milliers d’euros et sur un temps rapide de deux semaines : la première était dédiée aux choix des projets qui allaient être concernés par l’exercice, la seconde aux versements des fonds dans les buckets, chaque membre allouant ainsi la part qui lui a été remise aux projets qu’il.elle souhaite voir réaliser/poursuivre.
Cette expérience s’est déroulée de manière très fluide, notamment parce que l’enveloppe globale couvrait quasiment les budgets nécessaires pour l’ensemble des buckets, générant ainsi peu de tension entre les projets (voir le bilan plus détaillé en ligne).

Quelques mois plus tard, le collectif décide de poursuivre l’expérimentation à plus grande échelle et sur l’ensemble du budget ANIS-Catalyst pour 2019, afin de décider collectivement des projets qui seront réalisés sur l’année à venir et établir le budget prévisionnel de la structure. Les membres du collectif ayant pu se familiariser avec l’outil et ses concepts, nous nous attendions à ce que l’expérience se déroule sans accroc, mais ce Cobudget a soulevé pas mal de questionnements et de problèmes dont vous trouverez les détails ci-dessous.

En amont du Cobudget : définir l’enveloppe à attribuer

Tout d’abord, l’association ANIS est une petite structure qui sert de socle administratif à plusieurs projets et qui fonctionne sur un modèle contributif depuis 2017. Sans rentrer dans les détails, si ce modèle comporte bien des avantages, il rend également plus difficile le suivi comptable (plus on est de fous, plus on rit, mais plus on cherche les factures aussi). Au fil des années nous avons mis en place des outils et process pour rendre plus fluide notre suivi comptable, néanmoins début 2019, calculer l’enveloppe disponible ainsi que les frais fixes de la structure nous a demandé un peu de travail. Une fois les chiffres établis, un Loomio nous a permis de décider la part fléchée vers ce Cobudget, et la part qui resterait comme fond de roulement de l’association.
(voir : https://www.loomio.org/d/HOI6vDJV/niveau-minimum-du-fond-de-roulement-anis).

En parallèle, l’appel à projets est lancé en avril 2019 et les contributeurs.trices disposent de quelques semaines pour rédiger descriptifs et budgets prévisionnels pour chaque projet.
Au total, 18 personnes participent à cette première expérimentation et 13 buckets sont créés. Nous avons fait le choix de dédier un bucket aux frais fixes (assurance, location, frais comptable, etc.) et un autre au budget contributif (NBP : lien vers article budget contributif).

Ouverture du Cobudget

Début mai 2019 le Cobudget est lancé (https://cobudget.co/#/groups/1309?tab=buckets) et sont invités à y participer les contributeurs mais également les personnes gravitant dans notre écosystème.

Mi-mai, toutes les personnes qui ont répondu positivement à cette invitation se voient remettre une enveloppe d’argent virtuel au sein de la plateforme Cobudget qu’elles doivent redispatcher entre les projets ANIS-Catalyst.

Deux semaines plus tard le Cobudget est bouclé et il est temps d’en faire le bilan.

Bilan et échanges suite au Cobudget

Ce Cobudget s’est nettement moins bien déroulé que le premier :

  • Il a été plus compliqué et plus long à mettre en place (plusieurs mois se sont écoulés entre la validation de la démarche (janvier) et la clôture du Cobudget (mai) ) ;
  • Seuls deux projets ont été financés à 100% ;
  • Presque 30% de l’enveloppe initiale n’a pas été distribuée par les participant.e.s ;
  • Si les frais fixes ont été couverts à 80%, ce n’est pas le cas du budget contributif qui n’a atteint que 30% du montant demandé.

Durant les temps d’échanges qui ont suivi, nous avons élaboré des pistes concernant les raisons de cet échec :

  • A priori les règles du jeu n’étaient pas claires pour tout le monde : certain.e.s n’ont pas redistribué l’argent dont ils disposaient dans le temps imparti.
  • Trop de projets à financer et grandes disparités dans les projets, entre ceux qui étaient nécessaires à l’existence de la structure (frais fixes, budget contributif), ceux qui étaient déjà en cours (et parfois pour lesquels nous avions pris des engagements), ceux qui étaient encore en phase de réflexion etc.
  • Un Cobudget annuel nous oblige à définir en début d’année ceux sur quoi nous voulons travailler, or nous souhaitons garder une agilité.
  • Il existe une confusion entre budgets et projets : alimenter un bucket financièrement pour soutenir un projet ne signifie pas qu’on y met derrière du temps de contribution, qu’on souhaite prendre part activement à ce projet (soutiens mais pas acteurs). L’argent devient une unité de vote et plus une unité de financement.

Clairement donc, le résultat de ce Cobudget soulevait pas mal de questions, et par la suite nous avons, à tort, choisi de ne pas trancher et un flou s’est installé au sein du collectif quant à la légitimité de ce résultat. Or ce dernier a pu démobiliser des contributeurs dont les projets n’avaient pas été financés, sans pour autant que les projets financés de leur côté se réalisent.
Par ailleurs certains projets déjà mis en oeuvre se sont poursuivis sans tenir compte du budget amputé par cet exercice, d’autres ont été lancés en trouvant leur légitimité dans des votes réalisés a posteriori (via Loomio ou via un exercice de gommettes).
Au final, le budget ainsi que les projets réalisés sur l’année 2019 ne correspondent pas à ce qui avait été établi par le Cobudget.

Que faut-il retenir de tout cela ?

Que Cobudget est un bon outil, mais que par définition il n’est qu’un moyen et implique que soient définis en amont :

  • Qu’est-ce qui est attendu de cet exercice ? -> Définir les objectifs. Par exemple dans notre cas, fixer un budget annuel s’avère différent de définir les projets sur lesquels nous allons contribuer. Par ailleurs réaliser un Cobudget par an s’articule mal avec notre volonté d’expérimenter et d’innover.
  • Quelles sont les règles du jeu ? -> Définir le cadre et les contraintes et s’assurer que l’ensemble des participant.e.s s’en emparent. Nous concernant nous avions fait le choix de ne pas définir quels projets seraient concerné par ce Cobudget et cela a généré pas mal de problèmes comme le non financement de projets déjà en cours de réalisation par exemple ou le non financement de projets pour lesquels nous étions déjà engagés auprès de financeurs.
  • Comment on met en œuvre les résultats ? -> Penser l’après, le suivi du Cobudget. Nous avons mal géré la suite en laissant ce Cobudget de côté. Or il convient d’épuiser l’enveloppe initiale pour que le résultat soit pertinent (ce qui n’a pas été le cas). En outre un suivi des projets après quelques mois nous aurait également permis de ré-investir les montants des projets qui n’auraient pas vu le jour malgré un financement dans Cobudget.

Cette première expérimentation n’aura pas été complètement satisfaisante, mais elle nous aura montré le chemin. Pour notre prochain Cobudget en 2021, nous intégrerons une phase de préparation plus importante en amont et un suivi de réalisation des projets par la suite afin de pouvoir corriger le tir le cas échéant.
Si l’outil vous intéresse, vous trouverez bientôt en ligne sur notre blog un article de conseils pour bien vous préparer à son utilisation au sein de votre collectif !

 

Sources :

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