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Chez ANIS-Catalyst, on s’auto-rémunère grâce au budget contributif !

Publié le : 19 Oct, 2020
Rubrique(s) : A la Une | Actualités | Communs
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Les personnes qui contribuent aux projets d’ANIS-Catalyst choisissent elle-même la rémunération qu’elles vont percevoir pour leur travail. On vous explique comment notre collectif fonctionne grâce au budget contributif et comment on l’a mis en place !

De la création de l’association en 2001 jusqu’en 2017, l’association employait une salariée et fonctionnait grâce au soutien d’une équipe de bénévoles, en particulier lors de l’organisation de son temps fort annuel, les ROUMICS. A partir de 2017, au vu des liens de plus en plus étroits avec le collectif Catalyst, de l’évolution du positionnement d’ANIS, de sa gouvernance et du basculement vers une organisation ouverte et collaborative, la structure décide d’expérimenter le budget contributif. L’objectif est notamment de valoriser et pérenniser les contributions jusqu’alors non rémunérées, et donc de sortir de la dichotomie salariés / bénévoles. La mise en place a été progressive : le budget contributif a d’abord concerné certains projets (l’organisation des ROUMICS en 2015 par exemple) pour s’étendre progressivement à l’ensemble du budget de la structure1.

A cette époque, ANIS et le Collectif Catalyst travaillent déjà depuis plusieurs années sur les communs et les modèles contributifs (voir notamment ROUMICS BIENS COMMUNS) et les personnes qui évoluent et travaillent dans notre écosystème connaissent bien le fonctionnement du budget contributif, au moins en théorie. Après cinq ans de pratique, qu’avons-nous appris ?

Qu’est-ce qu’un budget contributif et comment fonctionne-t-il ?

Un budget contributif est un outil de rétribution qui permet à un collectif de s’autogérer financièrement de façon transparente et démocratique. C’est un élément clé de l’économie des communs qui permet de créer une troisième voie entre le statut de salarié.e et celui de bénévole.
Concrètement, le collectif dispose d’une enveloppe financière pour réaliser un projet, chaque membre réalise une partie des tâches et vient ensuite déterminer (a posteriori) la rémunération qu’il/elle souhaite se voir attribuer pour le travail effectué.

La personne qui contribue détermine ainsi seule sa rémunération fonction de différents critères liés à :

  • La tâche effectuée (temps et énergie investis, pénibilité de la tâche, compétences requises etc.)
  • Les besoins financiers de l’individu qui réalise la tâche
  • L’enveloppe globale liée au projet et le nombre de contributeurs qui y participent
  • et d’autres critères personnels divers (sentiment de légitimité, motivation à voir aboutir le projet, rétributions symboliques par ailleurs, etc.).

Elle rend ensuite publique sa rémunération auprès du collectif qui peut ainsi régulariser au besoin (à la baisse ou à la hausse).

Qu’est-ce que présuppose la mise en place d’un budget contributif ?

Bon tout d’abord évidemment il faut un budget dédié à un projet et un collectif de contributeurs motivés par ce projet (ni l’un ni l’autre ne sont une mince affaire, nous en convenons. Mais la gestion collective d’une enveloppe financière donnée ne l’est pas moins !).

Ensuite, pour que cela fonctionne, il faut :

  • Que le travail collaboratif soit organisé et outillé. Les contributeurs ont accès aux ressources de la structure en ligne, ils disposent d’outils pour échanger et organiser les tâches (listes mails, cloud, journal de bord, Trello etc.)
  • Que les contributions soient libres, à savoir qu’il n’existe pas dans le collectif de rapport hiérarchique. Cela ne signifie pas qu’il n’y aura pas de tâches de coordination / d’organisation du travail collectif, mais les membres sont libres de choisir ce sur quoi va porter leur contribution au projet.
  • Que la rémunération puisse être autodéterminée par les contributeurs a posteriori et soit réalisée de manière transparente. Chez ANIS par exemple, on utilise un simple tableur en ligne où chacun.e vient inscrire la rémunération qu’il/elle s’est attribué.e toutes les semaines.
  • Que les contributeurs qui souhaitent être rémunérés disposent d’un statut leur permettant de facturer la structure (Auto-Entreprise, CAE (citons notamment OPTEOS qui a permis à bon nombre de contributeurs de trouver un statut adapté à leur activité et leurs valeurs), auteur, micro-entreprise…)

 

Qu’est-ce qu’on constate après plusieurs années d’expérimentation ?

Tout d’abord, et bien que ça marche !
L’association ANIS tourne toujours, les projets ainsi que les travaux de recherche et expérimentations sur l’innovation sociale et numérique et les communs se poursuivent en lien avec Catalyst.

Et par ailleurs, voici ce que nous avons pu constater :

  • Une réelle motivation, d’une part parce que les contributeurs choisissent librement les missions qu’ils vont prendre en charge, d’autre part parce qu’ils peuvent décider de se rémunérer pour ces dernières. Le budget contributif permet d’investir plus de temps que le bénévolat parce qu’il n’entre pas en concurrence à 100 % avec une autre activité rémunérée, il permet de générer un revenu.
  • Un lien de confiance renforcé entre les membres du collectif permis par la transparence au niveau des contributions et des rémunérations.
  • Un questionnement individuel et collectif sur le rapport à l’argent, la valeur du travail, la légitimité de chacun.e à agir et participer au projet.
  • Des projets initiés par des membres peuvent potentiellement voir le jour plus facilement, dans la mesure où le porteur de projet sait qu’il pourra bénéficier d’une rémunération pour le temps investi.

Cependant, la mise en place d’un système de rémunération sain dans un collectif prend du temps, notamment parce qu’elle demande une acculturation importante des membres à ce modèle. Déclarer de fait une enveloppe financière ouverte dans lequel les contributeurs peuvent piocher librement ne suffit pas à ce que ces derniers s’en emparent. Typiquement, le premier budget contributif chez ANIS (organisation des ROUMICS sur la transition en 2015) a été très peu concluant. Le budget dédié à cette expérimentation a été très peu utilisé par les contributeurs, l’autorémunération de contributions jusqu’alors bénévoles représentant sans doute un changement trop important pour se faire d’un claquement de doigts. L’utilisation du budget contributif implique également pour les membres un passage à l’échelle : à titre personnel par exemple, j’ai maintenu mon investissement bénévole pendant plusieurs années après le lancement du budget contributif, estimant que le volume horaire réalisé n’était pas suffisant pour justifier la création d’un statut adapté.

Par ailleurs, piocher dans un budget contributif présuppose que l’individu se confère la légitimité pour le faire. Or on sait bien que l’égalité de droit ne signifie pas équité de faits, que selon leurs origines sociales, âge, genre etc., les membres du collectif perçoivent différemment la valeur de leur travail. D’où la nécessité d’avoir des temps réguliers d’échanges sur ces questions entre les membres afin de régulariser les rémunérations.

Enfin, certaines missions soumises à des contraintes fortes (de temps, de production) peuvent ne pas facilement se concilier avec un fonctionnement contributif ouvert et un budget contributif dédié. Des contraintes trop lourdes peuvent en effet démotiver les contributeurs, et il se peut également que le collectif ne dispose pas des compétences nécessaires pour les prendre en charge alors qu’elles sont indispensables au fonctionnement de la structure ou du projet. Chez ANIS par exemple nous avons rapidement délégué la gestion de la comptabilité à une structure externe, chez OPTEOS la gestion administrative est réalisée par des salariées.

Une expérimentation prometteuse

Le budget contributif est un outil clé de répartition financière dans les collectifs. Les premières années d’expérimentation au sein d’ANIS sont probantes et nous poussent à continuer sur cette voie. Nos objectifs pour les années à venir : développer des outils spécifiques (notamment LOOT), recruter de nouveaux contributeurs au sein du collectif et accompagner les structures qui souhaiteraient fonctionner sur ce modèle.

Notez qu’une étude est actuellement en cours de réalisation sur les expérimentations de budgets contributifs dans différentes structures de l’écosystème, dont ANIS qui permettra d’approfondir l’analyse (voir : “Problématiques de recherche sur les modèles contributifs et les nouvelles formes de structuration du travail dans les écosystèmes collaboratifs.”).

 

Ressources qui ont permis la rédaction de cet article, à consulter pour aller plus loin :

 

Dessin d’illustration : Laurent Libessart

Références

  1. pour plus de détails sur l’évolution de la gouvernance au sein d’ANIS et le passage au modèle contributif voir l’article de Pierre Trendel – Imaginaire Communs, Cahier Catalyst 1 (publication à venir)

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